PÉRIGNAC : LÉGENDE D'ARKARA

L’heure est venue de partir sans attirer l’attention. Gad est devenu le premier complice de son fils comme le premier disciple qui a cru en Celui qui saura un jour vaincre la maudite secte d’Alba. Le géant ignore cependant où se trouve exactement la Cité détruite et se fie donc à ses instincts naturels. Il porte l’enfant sur ses épaules et lui demande d’observer attentivement le mouvement des animaux, des oiseaux et des insectes. Il veut savoir où les habitants des bois, des champs et des vallées évitent de peupler un secteur en particulier. Le seul indice que le marcheur possède est que la ruine en question se trouve à l’Ouest de Vaurec. C’est tout ce qu’il apprit de son ami Anak. Le géant marche d’un pas décidé et le jeune observateur lui dit bientôt que la nuit l’empêche d’observer le mouvement des insectes. Gad s’arrête un moment et fait lentement le tour sur lui-même en précisant ensuite que le chant des grillons se fait moins entendre de ce côté. C’est donc par là qu’il faudra marcher à présent. Quelques heures plus tard, le géant et son fils arrivent sur un plateau où se trouve un village abandonné. Gad comprend qu’il vient de découvrir l’endroit où y vivaient jadis son ami Anak et les autres fautifs. Il fait descendre son fils pour lui dire qu’il est encore temps de rebrousser chemin. Personne ne lui en voudra d’avoir peur de regarder cette Cité s’il pense que c’est mieux pour lui. Mais l’enfant lui sourit en lui prenant la main et réalise que celle-ci est si moite que son père semble avoir encore plus peur que lui. Il faut tout de même un certain temps à nos aventuriers pour apercevoir les premières ruines. Alors, le garçon demande au géant de l’attendre là en lui disant qu’il ne risque rien s’il y va seul. Gad insiste toutefois pour l’accompagner comme si son instinct protecteur devait passer avant toute autre considération. Mais l’enfant retire lentement sa main de la sienne en lui répétant qu’il doit y aller seul. Le Connient regarde le petit courageux s’éloigner et lorsqu’il ne le voit plus dans la noirceur, il le suit à distance.

L’enfant pénètre dans cette Cité obscure et lorsqu’il arrive dans le quartier où s’y dressait la tour de verre, il aperçoit, d’un air étonné, une ombre qui se déplace près de cette structure tordue qui, on le dirait, possède des yeux lumineux. Il s’agit plutôt des deux tubes de mégator qui se trouvaient dans les vaisseaux à présent fondus et collés de chaque côté de la tour. Ba-Fon entend une voix lointaine lui demander de quitter immédiatement ce lieu de désolation, mais l’enfant courageux lui demande au contraire de s’identifier. La voix répond qu’elle n’est plus rien, sinon un souvenir méprisable dans l’esprit des Arkariens. Ba-Fon s’approche malgré l’interdit et le spectre de Myotis le fixe d’un air apeuré comme s’il percevait le rayonnement invisible de l’enfant et surtout la puissance extraordinaire qui se trouve dans le cœur du jeune pacifique. L’ombre lui dit qu’elle le voit rayonner et qu’elle craint son jugement. L’enfant lui demande pourquoi hante-t-elle un lieu déserté par toutes les autres Entités? L’ancien Myotis lui répond que les remords l’incitent à demeurer là. Il ne peut réparer ses torts sauf qu’il désire se punir en demeurant auprès des citadins qui perdirent la vie par sa faute. Ba-Fon reçoit des vibrations de véritables remords de conscience de cette Entité qui fut incapable d’évoluer comme mutant. Myotis était considéré comme un cannibale sauf que cela n’était pas tout à fait exact si l’on considère sa nature beaucoup plus animale qu’humaine. C’était un prédateur, un chasseur malgré son intelligence presque humaine. Son instinct lui dictait de se nourrir de chair fraîche et fit en sorte de rechercher constamment un moyen de satisfaire sa faim comme carnivore. Malheureusement pour ces citadins inconscients qui le choisirent comme guide, ils ne devaient sûrement pas s’attendre à autre chose que leur perte à moins d’être vraiment aveugles. Pour Ba-Fon, ce n’est pas en vivant de ses remords que l’Entité pourra évoluer. C’est pour cela qu’il demande à celle-ci de quitter son royaume désertique pour suivre la lumière qu’il placera devant lui. Le spectre a l’impression de voir un voile gris se relever devant lui et en éprouve une telle joie qu’il n’ose s’éloigner de celui qui vient de le condamner à devenir meilleur. Le jeune Maître lui dit que si les Arkariens le jugent encore pour ce qu’il a fait, il doit leur pardonner ce ressentiment à son égard mais pour le reste, il n’a pas été créé pour vivre éternellement dans son passé. Il doit à présent franchir un autre pas vers son accomplissement dans l’éternité. Il va sans dire que Ba-Fon ne s’attend pas à voir cette Entité devenir un genre de Dorgon dans un proche avenir mais sait qu’elle possède des leçons de vie qui lui serviront dans le futur. L’ombre regarde l’enfant d’un air admiratif car il faut sans doute être l’Enfant de la lumière pour souhaiter le bonheur de l’ancien mutant à tête de bouc. Il faut également posséder ce pouvoir de regarder au-delà des apparences pour en arriver à ne pas juger les autres.

Après le départ de l’ancien Myotis, le garçon se rapproche de la tour et se demande évidemment où se trouve cette faille à refermer. Au même moment, les deux tubes de mégator tombent sur le sol et Ba-Fon se penche pour les ramasser. Encore agenouillé, il ressent aussitôt l’énergie de ceux-ci le pénétrer sans lui brûler la peau. Les cristaux lui communiquent la façon de procéder pour refermer ce trou provoqué par l’explosion du Cœur royal. Ce couloir intemporel n’existait pas sur l’ancienne planète sans quoi Primus Tasal l’aurait découvert comme les trois autres. Les bulles noires l’utilisent pour s’introduire clandestinement sur Arkara mais sans se vouloir alarmistes, les cristaux luminatisiens préviennent l’enfant que la secte d’Alba ne tardera pas à l’utiliser grâce aux informations qu’elle a obtenues des rebelles. Ba-Fon apprend qu’il doit se jucher au sommet de la tour et pourra ensuite se servir des deux tubes de mégator pour créer un puissant rayon dès qu’il les frottera l’un sur l’autre. Au même instant, une force inconnue soulève lentement l’enfant et le dépose délicatement en haut de ce qui reste de l’ancien temple de verre. Le jeune Maître rapproche les tubes sous les yeux ébahis de son père qui l’observe de loin. Le corps du garçon devient tellement lumineux que Gad assiste à une véritable métamorphose de Ba-Fon en un être de lumière. Un puissant rayon jaillit de ses bras tendus vers le ciel et colmate la brèche instantanément. L’enfant ignore à ce moment-là qu’il vient de provoquer la plus grande frousse de sa vie au pauvre singe qui vient justement de découvrir cette faille. À peine sorti de celle-ci, un vent d’une puissance inouïe l’a projeté avec sa bille magique tête première à travers la voûte de l’ancienne serre de la Cité. C’est sûrement par miracle si sa chute fut amortie par des arbres sauvages qui y poussaient en toute liberté. Primus Tasal ne tarde pas à rencontrer Gad qui examine ses éraflures d’un air étonné. Le voyageur intemporel lui explique rapidement sa mésaventure et en comprend la raison lorsque le géant lui raconte fièrement que son fils adoptif vient de refermer la faille. Le singe ne peut en vouloir à Ba-Fon. D’ailleurs il tient à le rencontrer depuis qu’il a appris sa naissance. Il demande même à Gad de ne pas lui mentionner « ce petit incident » lorsqu’il va le présenter au jeune prodige. Ba-Fon est toujours devant la tour et tient encore les tubes de mégator dans ses bras lorsque Gad se rapproche en lui disant que la preuve est évidente; il est bien l’Enfant de la lumière. Le garçon lui sourit timidement et regarde ensuite d’un air amusé le petit singe sur sa planète magique. Le géant lui présente le célèbre Primus Tasal, protecteur de la planète Terre. C’est suffisant pour que le bambin lui embrasse rapidement le front pour ensuite lui dire qu’il ne peut lui parler avant d’avoir trouvé un endroit sécuritaire pour ces deux tubes qu’il ne veut surtout pas laisser à cet endroit. Le singe lui propose de s’en occuper en disant qu’ils lui seront sans doute utile lorsqu’il ira sur Terre. Primus Tasal est convaincu que Gad connaît la future mission de son fils adoptif jusqu’au moment où le pauvre géant lui demande pourquoi Ba-Fon devra se rendre sur sa planète? Le singe réalise qu’il vient de se mettre les pieds dans les plats et s’empresse de répondre qu’il est convaincu qu’un être aussi puissant que Ba-Fon voudra participer à son projet qui, espère-t-il, saura mettre un terme à la secte d’Alba. Sur ce point, Gad est de son avis que l’Enfant de la lumière pourra sûrement trouver une façon de résoudre le problème d’Alba lorsqu’il sera un peu plus âgé. Primus Tasal reçoit les deux tubes de l’enfant qui le fixe alors d’un air troublé comme s’il venait lui-même de réaliser ce qui l’attendait sur Terre. Il a fait de nombreux songes depuis sa naissance qui le préparent à cette mission salvatrice mais le jeune Maître a peur de s’y attarder avant le moment voulu.

Aujourd’hui est un grand jour pour Ba-Fon qui a vraiment hâte de rencontrer les habitants d’Atlantis. De son côté, Gad sera très heureux de revoir sa famille, son village et surtout de présenter fièrement son nouveau fils. Le Connient n’éprouve aucune honte d’être reconnu comme le père naturel du garçon même depuis qu’il connaît les racontars qui courent à son sujet. Il aimerait tout de même savoir en quoi les colons de Vaurec voient une ressemblance avec son fils? Même si cette gentille remarque prouve que ses voisins désirent lui faire comprendre qu’ils acceptent parfaitement sa paternité, le teinturier n’hésite jamais à dire que Ba-Fon ressemble à sa mère de la tête jusqu’au nombril et à son père pour le reste! C’est cela qu’il va dire aux Connients et aux Paysans d’Atlantis. Le père et le fils traversent bientôt dans l’autre canton et Ba-Fon remarque rapidement le gros monument dans un parc. Il demande à son père la permission de le voir de plus près. Gad lui explique alors avec émotion que son ami Barbouille a été un héros pour sauver Kana de la gueule du monstre. L’enfant lui répond en baissant les yeux qu’il souhaita à ce moment qu’il le libère en même temps de sa prison. Gad ne sait pas quoi répondre à cela. Ba-Fon ajoute tout de même en souriant que Baa-Bouk aurait sûrement gobé les deux héros s’ils s’étaient avisés de lui ravir son prisonnier. Son père pose sa main sur sa tête en disant qu’il ne devra jamais parler de ces choses à d’autres de peur qu’ils s’imaginent à tort que Kana et Barbouille n’ont rien fait pour le libérer à cette époque. Selon lui, les deux héros n’avaient pas à le faire puisque le destin voulait que Kana prenne l’œuf de la survie et que son ami Barbouille l’aide ensuite à sortir de la gueule du monstre. Le géant lui demande furtivement à quoi cela lui aurait servi de naître avant son temps?

Gad demande à son fils de l’attendre devant le monument pendant qu’il ira s’entretenir avec Phardate qui se rapproche à petits pas. Le chef des Grands-Prêtres invite son grand ami à venir s’asseoir sous un arbre et s’empresse de s’informer sur l’éducation de Ba-Fon. Le géant lui raconte ce qu’il a vu dans la Cité détruite pendant que le nain lui sourit d’un air satisfait. Celui-ci remarque toutefois une foule de curieux se ramasser rapidement devant le monument de Barbouille pour soudainement s’agenouiller. Le Croucounain suggère à Gad de l’accompagner en disant qu’il a l’impression que Ba-Fon vient de trouver une manière spéciale pour se faire remarquer. Nos deux amis rejoignent la foule encore ébahie par le miracle que vient d’accomplir l’Enfant de la lumière. La tombe est ouverte et Barbouille s’est fait tout bonnement ressuscité par le jeune Olympus qui tenait à rencontrer en personne un héros de son âge. Son geste oblige tout de même Barbouille à lui faire remarquer qu’il ne pourra plus guider un enfant malade sur Terre s’il ne retourne pas dans son corps en poussière. Il embrasse tout de même Ba-Fon sur la joue et sur ses mains pour lui prouver qu’il ne lui en veut pas! La foule voit alors le jeune prodige tendre les mains devant lui et le corps retombe aussitôt en cendres dans la fosse et le lourd monument repris alors sa place originelle. Il va sans dire que les nombreux témoins voulurent tous connaître cet enfant étrange qui vient de l’autre canton. Gad et Phardate regardent Ba-Fon d’un air embêté puisque la foule devient si dense qu’ils ne peuvent même pas espérer se frayer un chemin jusqu’à lui. Mais le garçon se montre si attentif à toutes les questions qui lui sont posées et son sourire est si rassurant qu’il ne tarde pas à séduire la foule. On apprend rapidement d’un colon de Vaurec en visite dans sa famille d’Atlantis que Ba-Fon est le fils de Gad et celui d’une Perlagobulienne. Phardate rougit aussitôt et son ami baisse timidement la tête puisqu’il a effectivement prétendu cela lorsqu’il ignorait à l’époque la véritable identité de son fils. Toutefois, c’est le chef des Croucounains qui doit en supporter seul la responsabilité puisqu’il est l’auteur de cette prétendue existence d’une mère perlagobulienne. Comme le peuple est devenu très curieux depuis qu’il s’intéresse aux sciences, et notamment à l’histoire, il faudra s’attendre bientôt à voir des curieux rechercher ce village dont personne, à part Kana, n’avait mentionné l’existence jusqu’à ce jour. Le pauvre Phardate se demande sérieusement ce qu’il lui a pris d’inventer cela pour expliquer l’origine de Ba-Fon alors qu’il aurait eu le choix entre une fée inconnue ou même une Terrienne tant qu’à y être?

Gad parvient à reprendre son fils à la foule et le conduit dans son village ancestral alors que Phardate préfère s’informer davantage sur les Perlagobuliens avant de pouvoir répondre aux questions qui ne tarderont pas à pleuvoir sur leur existence depuis que cet enfant inconnu a fasciné les foules. Il se rend dans la Tour royale et consulte le seul manuscrit susceptible de le renseigner sur ce peuple tellement étrange qui est passé inaperçu dans l’histoire arkarienne. En examinant la légende Dairel, il découvre que Kana n’est pas le seul à citer le village de Perlagobule. Peu de temps avant de quitter Arkara, le conteur Midinibus s’était aventuré jusqu’au village dans l’espoir d’en connaître davantage sur les pêcheurs de perles mais revint bredouille de son excursion puisque les habitants refusèrent de sortir de leurs maisons dès qu’ils réalisèrent qu’il était un conteur historien. Midinibus préféra s’en retourner sans visiter les lieux puisqu’il trouvait irrespectueux de le faire sans la permission de ces étranges barbus. La légende indique quelque part que les Perlagobuliens se sentent coupables d’un fait qui laissa une grande tristesse dans le cœur des Djinardiens. Phardate est vraiment surprit de retrouver ce détail dans le deuxième livre apporté par son ami Primus Tasal. Il cherche alors à comprendre ce que cela signifie exactement du fait qu’il existait peut-être un lien entre les Perlagobuliens et son peuple. Plus loin, il découvre un passage encore plus étrange où il est dit que le Maître du destin effaça par erreur le mot « Djinardiens » par « Croucounains » lorsqu’il était encore trop jeune pour comprendre que ce dernier n’était pas le nom véritable des petits bonshommes de la forêt enchantée. Le chef des Croucounains décida simplement d’aller voir Manuel qui saura lui dire si cette légende dit vraie concernant ce détail. Son ami lui avoue sans détour qu’il a commis cette erreur à une époque où il ne comprenait pas l’importance de maintenir un pont avec les origines. Malheureusement, l’histoire des Croucounains ne remonte qu’après le génocide des Djinardiens et de ses survivants qui trouvèrent refuge dans la forêt enchantée. Il admet tristement que les Croucounains se mentiraient en prétendant maintenant être encore des Djinardiens puisqu’on ne peut porter qu’un seul nom dans le livre des origines. Phardate ne peut en vouloir à Manuel pour cette erreur même s’il se considère maintenant comme l’un des descendants des Djinardiens au fond de son cœur. Il demande des éclaircissements sur l’origine des Perlagobuliens. Manuel lui sourit en lui suggérant fortement de renouer des liens amicaux avec ce petit peuple qui est proche parent des Djinardiens. Lorsque le Maître du destin parle ainsi, le Croucounain sait qu’il n’obtiendra rien de plus de la part de cet Olympus. S’il désire en savoir davantage, c’est à lui et à ses confrères de suivre les conseils de Manuel.

Ba-Fon est vite accepté par les Connients qui sont fiers d’avoir dans leur clan le « plus petit géant » de leur histoire! L’enfant est constamment suivi par des foules de plus en plus nombreuses et si Kana fut longtemps méconnu avant de devenir célèbre, il en est autrement de cet enfant dont les moindres gestes sont épiés avec gentillesse par ses admirateurs. Cela va toutefois lui servir dans un projet communautaire unique dans les annales de cette planète. Le peuple conserve toujours une peur chronique envers Baa-Bouk et à moins de vaincre celle-ci, Ba-Fon ne pourra jamais faire accepter ses origines. Si le simple nom du monstre suscite autant de frissons de terreur, comment le peuple saura-t-il se montrer plus ouvert à l’idée de se trouver en présence d’un enfant sorti de la tête de Baa-Bouk? Vraiment, l’Enfant de la lumière sait qu’il perdra toute crédibilité s’il ne peut prouver sans l’ombre d’un doute que la bête est belle et bien morte. C’est pour cela qu’il se promet de faire disparaître des cœurs, ce noir souvenir d’un monstre qu’il sortira lui-même de sa caverne pour que le peuple puisse enfin voir sa carcasse. Mais pour cela, il faudra vider le lac salé. Pour vaincre une peur collective, rien de tel qu’un projet collectif où chacun pourra contribuer à se débarrasser ou encore, exorciser ce mal imaginaire qui hante encore son inconscient commun. Personne n’oserait accomplir seul ce travail mais effectué ensemble, cela donnera un courage inouï à chacun. Le Cœur royal a compris cela et fait aussitôt pleuvoir des milliers de chaudières dans un champ situé près du lac salé. Ba-Fon sourit à la foule en l’invitant à vider l’enclos pour qu’il puisse leur prouver que Baa-Bouk n’est plus qu’un mauvais souvenir à oublier sur cette nouvelle Arkara. Phardate sautille de joie en voyant les Paysans et les Connients entreprendre un projet qu’il qualifie de miraculeux en lui-même puisqu’il faut admettre que vider un lac avec des chaudières a de quoi faire sourire à première vue. Mais peu importe le temps qu’il faudra, l’important est de croire que la racine du mal se trouve au fond du lac et qu’elle sera détruite par Ba-Fon. On vit alors une longue chaîne humaine se créer entre le lac et l’ancienne carrière de pierres cactus dans laquelle furent vidées les chaudières. Avec les millénaires, cette carrière est devenue un immense bassin rocheux qui deviendra bientôt un autre lac. Les animaux et insectes veulent également prendre part à ce vaste projet communautaire. Un buffle fait rire les videurs en prétendant que l’eau qu’il boit dans ce lac avec ses congénères fera moins de chaudières à remplir. Les oiseaux et insectes pensent de leur côté que le simple fait de se mouiller les pattes dans le lac contribuera grandement à le vider si évidemment personne n’est vraiment pressé!

Toute la communauté arkarienne travaille à ce vaste projet, incluant les Grands-Prêtres. Le Cœur royal fait sa part en s’occupant des moissons qui se font toutes seules, les semailles également et même les fleurs et les parterres des villageois semblent posséder leurs petits jardiniers invisibles. De son côté, le Maître du destin joue « au mauvais mathématicien » lorsque des bulles lumineuses lui font remarquer que le lac ne saurait logiquement se vider plus d’un mètre par jour même en multipliant par cent le nombre des videurs. Toutefois, selon elles, il y a tellement longtemps qu’elles n’ont pas compté sur les sciences pour leur apporter le bonheur qu’il est évident que le calcul de celui qui vient d’inscrire le résultat dans son grand livre fantastique est « inexactement exact » pour que ce lac se vide à un rythme encourageant et donc logique. Les Luminatisiens promettent d’ailleurs de ne jamais révéler au peuple que Manuel vide le lac à son insu. L’important pour ces grands mathématiciens naturels est de voir la détermination des videurs à l’œuvre. Les bulles lumineuses tiennent compagnie aux enfants pendant que leurs parents jouent avec des chaudières. Tout de même, leurs petits chéris se demandent s’ils vont y prendre assez de goût pour comprendre ensuite qu’on peut se servir de cet outil pour faire des jolis pâtés de boue? À ce moment-là, il faudra bien leur enseigner comment taper soigneusement celle-ci dans la chaudière afin de créer des beaux châteaux de glaise. Les enfants souhaiteraient surtout voir leurs parents prendre goût à se salir comme eux en jouant et ainsi devenir complices de leur créativité.

Primus Tasal vient de faire l’aubaine de sa vie au cours d’un voyage intemporel qui l’a conduit dans un champ où s’y trouvent une véritable montagne d’oursons en peluche qu’une manufacture du XXième siècle préfère se débarrasser pour quelques petits défauts de fabrication. Que cela ne tienne, ces toutous vont rapidement charmer les enfants arkariens puisque l’un des plans du singe est de rapprocher davantage les Terriens des Arkariens. Il charge le couloir lumineux de sa fortune et les fées enjouées de la forêt enchantées se font un plaisir de recoudre les jolis oursons. Pour la distribution, il songe à Finibus et Débunibus, deux charmants conteurs qui portent fièrement un bas de Père Noël en guise de bonnet. Le singe a pris soin de placer les toutous dans plusieurs poches rouges en se disant joyeusement que les vieillards deviendront à leur insu les premiers Père Noël de la planète. Les conteurs rencontrent chaque enfant Paysan et Connient en lui expliquant que le petit ourson terrien aimerait bien devenir son ami et vivre avec lui. Bientôt, tous les enfants se promènent partout avec un ourson sous les bras et même dans le dos et donnent également des prénoms terriens à ceux-ci grâce à la complicité des conteurs qui connaissent déjà fort bien l’histoire de cette planète. Puisque les jeunes Arkariens sont convaincus que les toutous appartenaient jadis à des fautifs lorsqu’ils avaient leur âge, ces oursons symbolisent pour eux un puissant pouvoir de communication. Les enfants leur parlent et s’imaginent que les peluches répéteront ce qu’ils disent à leurs anciens propriétaires. Le temps est proche d’ailleurs où les premiers fautifs reviendront sur Arkara. C’est pour cela que Ba-Fon désire vaincre une autre peur qui hante toujours les habitants d’Atlantis lorsqu’on leur propose d’aller se joindre aux quelques familles de Vaurec. Tous les prétextes sont utilisés pour refuser poliment cette offre et cela retarde évidemment la construction de l’immense Cité qui devra accueillir les fautifs à leur retour. Donc, l’Enfant de la lumière est sans doute le seul à posséder assez de charisme pour inciter des ouvriers à le suivre dans l’autre canton.

Le lac est à sec sauf que les videurs craignent maintenant de suivre Ba-Fon dans la caverne où vivait Baa-Bouk. Seul un tout petit groupe de volontaires s’y aventure en compagnie des Grands-Prêtres et des Croucounains qui réalisent rapidement que le monstre n’est plus qu’un tas squelettique. Rassurés, ils sortent joyeusement de la grotte et le groupe suivant s’empresse d’y entrer à son tour. Les témoins sont vivement impressionnés par les deux monstres qui semblent enlacés comme si l’amour et la haine ont fini par se compléter. Mais Ba-Fon ne veut pas que Belle-Chimo demeure prisonnière de la haine et lui ordonne de reprendre vie. Le corps décharné de la dragonne se reconstitue rapidement en présence de plusieurs témoins complètement bouleversés par les pouvoirs de cet enfant. Bientôt, la protectrice de la fleur de la Mère Lumière reprend vie et se redresse sur ses pattes. Belle-Chimo examine le jeune Maître avec respect et opine lentement de la tête lorsque celui-ci lui demande de sortir tous les os du monstre destructeur et de les transporter au sommet de la montagne où y vivait Dorgon. Il ne veut pas que le peuple profane la dépouille de Baa-Bouk mais simplement qu’on réalise que celui-ci n’existe plus comme tel. Ba-Fon montre alors le crâne du monstre en disant sans hésiter qu’il faut à présent réaliser la différence entre lui et cette bête qui ne voulait pas le laisser naître. Phardate explique alors aux témoins que Ba-Fon est cet enfant que Kana a vu dans la tête de Baa-Bouk. Il faudra un certain temps au peuple pour faire une nette distinction entre l’origine de Ba-Fon et celle de Baa-Bouk. Toutefois, personne ne doute de l’amour qui se trouve dans l’Enfant de la lumière. Tous les os de l’ancien monstre noir sont montrés au peuple qui cesse ensuite de craindre cette bête légendaire. On se demanda si cela était nécessaire de ressusciter Belle-Chimo puisque sa présence a toujours fait peur aux habitants. Mais Ba-Fon sourit en disant qu’il fallait un nouveau protecteur de la planète et que la dragonne saura accomplir cette tâche puisqu’elle a prouvé sans l’ombre d’un doute qu’elle était prête à sacrifier sa vie pour empêcher Baa-Bouk de dévorer Kana, Barbouille et Achiliam dans l’enclos. Que faut-il de plus pour croire en sa fidélité et son amour?

Gad aimerait vivre dans son village mais préfère suivre Ba-Fon qui désire retourner à Vaurec depuis qu’il est parvenu à convaincre des centaines d’ouvriers et leurs familles à venir se joindre à ceux qui ont besoin grandement d’aide pour la construction de la vaste cité de l’Accueil. On se dit que puisque le monstre est véritablement mort, il n’y a plus rien à craindre également de l’ancienne vallée noire. Le peuple évolue rapidement en agissant en adulte et surtout, en prenant ses responsabilités en mains. Les fautifs ont besoin de se réhabiliter dans cette future Cité et cela justifie l’exode massif de plusieurs familles d’ouvriers à Vaurec. Gad ne veut surtout pas briser l’enthousiasme du moment en refusant de retourner dans l’autre canton et parvient même à convaincre d’autres Connients à venir le visiter. À sa grande surprise, non seulement ceux-ci ont-ils accepté d’aller le voir bientôt mais songent sérieusement à bâtir le « village de Gad » dans ce canton puisque selon eux, ce nom est celui d’un frère qu’ils admirent beaucoup. Le teinturier est fort ému de cet honneur qu’on lui fait et part le cœur joyeux en compagnie de son fils et des quelques trois mille nouveaux pionniers. Cette nouvelle est accueillie avec joie par Minote et les familles déjà installées là-bas. On prépare aussitôt un immense banquet pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux colons qui trouvent d’ailleurs le canton de Vaurec vraiment superbe. L’Enfant de la lumière vient de briser ce mur imaginaire qui divisait jadis Vaurec et Atlantis. À partir de maintenant, les mentalités vont grandement changer mais il n’est désormais plus question de désigner par « Vaureciens et Atlantisiens » ceux qui habitent dans les deux différents cantons. Primus Tasal sait trop bien par expérience que la division débute souvent par des distinctions aussi simplistes qu’une fierté partisane dans le genre « Moi je suis Vaureciens! ». Selon lui, le nom Arkarien veut tout dire puisqu’il englobe la totalité de tous les êtres qui vivent sur cette planète. Le simple fait que les Paysans et Connients sont déjà deux races distinctes a prouvé dans le passé que l’ignorance s’est permise de laisser croire aux Paysans qu’ils possédaient une supériorité raciale sur les géants. Il existe évidemment des différences à respecter de part et d’autre mais de là à y mêler la mesquinerie, la vanité et des comparaisons de valeurs sert, selon lui, à entretenir de fausses conceptions de la nature humaine. Peu importe sa culture, celle-ci devient une dictature lorsqu’elle cherche à s’imposer comme seule référence. Le singe a vu trop de souffrances découlant de ce fanatisme culturel entre les Terriens pour souhaiter revoir cela sur Arkara. D’ailleurs, il sait fort bien que les anciens fautifs qui reviendront un jour n’auront plus envie de s’accorder la moindre étiquette mais simplement vivre en paix. Faut-il un titre particulier pour être pacifique de cœur et d’esprit comme les sages Connients qui refusent de donner un nom à tout et essaient même de se transformer à l’occasion en fleur ou en simple caillou afin de mieux les comprendre?

Les Croucounains profitent du départ de Ba-Fon pour suivre le conseil de Manuel et recherchent donc le village de Perlagobule. Aussi insensé que cela puisse paraître, celui-ci n’est indiqué sur aucune carte du pays. La raison se comprend si le Maître du destin n’a jamais voulu que les habitants ne dérangent les Perlagobuliens. Kana lui-même refusa d’apporter des précisions sur ce coin oublié de la planète puisqu’il croyait également que ces pêcheurs de perles avaient droit à leur intimité. Il en fut de même pour Midinibus lorsqu’il revint bredouille en information. La seule qui pourrait sans doute indiquer la route à suivre est Anima sauf que les Croucounains savent qu’elle ne leur révélera rien de plus que son ancien cavalier Kana. Phardate consulte la légende Dairel et lit attentivement un récit qui relate l’origine de Perlin. Jusqu’à présent, le nain a toujours considéré cette légende comme un mythe. Cependant, lorsqu’il y porte davantage attention en supposant cette fois-ci que cette légende parlait véritablement d’un fait historique qui lui fut si longtemps caché, il apprend que Perlin fut confié à des fées par des « femmes barbues. » Il demande aussitôt à ses confrères de consulter le livre à leur tour et de lui dire ce qu’ils pensent de cette expression. Le petit gardien du pont d’arc-en-ciel lui répond sans détour qu’il faut prendre cela comme des femmes ayant perdues leurs attributs féminins suite à un événement lié directement avec la découverte de cette perle géante. Phardate opine d’un large signe de tête. La logique est là pour dire que celle-ci contenait évidemment une essence qui devait probablement protéger Perlin. Si effectivement, la perle a été ouverte par ces femmes curieuses, il est fort possible que l’eau originelle ait produit cette métamorphose de leur nature. Ce qui surprend le plus dans cette légende, c’est d’apprendre que ces « inconnues barbues » ont confié l’enfant à des fées. Celles-ci existent uniquement dans la forêt enchantée et donc à Féerie. Alors, comment sont-elles arrivées à s’introduire dans ce monde interdit à moins d’y être autorisées? Les Croucounains y ont réfléchi longuement avant de réaliser que si la perle a mouillé ces intruses pour les transformer physiquement, elle a pu également laisser sur elle une odeur du monde originelle qui ouvre également cette porte secrète de la forêt enchantée. Il est dit clairement que Perlin fut confié aux fées par ces femmes barbues qui devinrent ensuite ces Perlagobuliens si étranges que personne ne semble pouvoir situer dans le temps et surtout sur Arkara. Tout s’explique si ce village que les nains recherchent se trouve tout simplement aux pays des fées. Kana l’a évidemment visité un jour qu’il revenait de la forêt enchantée! Midinibus a également été autorisé à se promener dans ce monde des fées comme tous les conteurs. Mieux encore, Perlin fut trouvé dans un royaume qui lui était destiné de toute éternité. Phardate se demande alors comment a-t-il pu être aussi naïf pour ne pas y songer plus tôt? Il sait maintenant pourquoi les mutants n’ont jamais remarqué ce village de Perlagobule même s’ils voyageaient partout sur cette planète. Les Croucounains retournent voir Manuel pour lui demander la permission de visiter Féerie. Le Maître du destin rit de bon cœur lorsqu’il réalise que ses amis ont finalement découvert où se trouvait ce village.

Manuel dessine une carte dans son livre fantastique en disant que la forêt enchantée se trouve ici dans le nord de Féerie et que le village de l’Abondance est là quelque part au sud du pays alors qu’à l’ouest coule une large rivière qui divise le monde temporel et Féerie. En longeant la rive, on y voit bientôt une baie en forme de croissant ainsi que le village de Perlagobule. Le Maître trace un gros « X » à l’endroit précis avant de placer son index sur celui-ci. Les Croucounains se retrouvent aussitôt dans le village comme par enchantement et regardent d’un air intéressé les maisons qui ressemblent tant à celles qu’ils habitaient à l’époque des Djinardiens. L’un des bonshommes fait aussitôt remarquer que les embarcations sur le quai épousent la forme de sabots. Les visiteurs ne tardent pas à attirer l’attention sur eux comme si les pêcheurs de perles tenaient à les examiner de plus près. Phardate et ses confrères remarquent aussitôt des larmes s’écouler sur les joues des pauvres barbus et constatent surtout que la taille et l’habillement des Perlagobuliens correspondent exactement aux Djinardiens. L’un des villageois se présente comme Évaël, l’aîné du groupe et demande aussitôt aux étrangers s’ils sont Djinardiens? Les nains n’hésitèrent pas à se prétendre de cette race même si, officiellement cela est faux, à cause de l’erreur de Manuel. Les pauvres pêcheurs pleurent alors à chaudes larmes en cachant leurs visages dans leurs mains. Phardate prend le risque de leur demander s’ils sont également Djinardiens et se fait répondre par Évaël qu’ils le furent un certain temps. Il est inutile de faire semblant d’ignorer la véritable nature des Perlagobuliens puisque le chef des petits bonshommes est convaincu à présent que la légende disait vraie. Il hésite tout de même à révéler ce qu’il sait sur eux pour la simple raison qu’il a toujours cru que les Djinardiens n’avaient pas de femmes! Il faut comprendre que Phardate et ses confrères furent les derniers-nés de cette race et que leurs pères inventèrent l’origine de leur naissance pour leur éviter simplement de souffrir un jour de l’absence de leurs mères. Ainsi, ils furent éduqués comme des enfants issus d’une société patriarcale dans le vrai sens du mot. Il fallait croire fermement que chaque enfant naissait dans un arbre creux grâce à de la salive mêlée à du djinardin. Un homme répandait cette substance dans un tronc et un enfant était alors sensé prendre vie. Évidemment, cette société fut vouée à l’extinction, faute de descendance. Phardate craint à présent la réaction des pauvres pêcheurs lorsqu’ils apprendront la fin tragique de leur race. Il est même tenté de croire que la venue du monstre Baa-Bouk ne fit qu’accélérer de façon tragique la disparition de son peuple. Les Perlagobuliens semblent ignorer que toutes les djinardiennes perdirent également leurs attributs féminins le même jour à travers le pays sans pour cela faire partie du groupe de celles qui déclenchèrent malheureusement ce phénomène. Les mâles comprirent alors qu’un triste événement venait de s’abattre sur le peuple sans pour autant en comprendre l’origine.

L’un des villageois s’empresse de demander des nouvelles du pays, exactement comme s’il avait perdu totalement la notion du temps. Il est vrai que cela n’a pas tellement d’importance à Féerie sauf qu’il en va autrement pour le monde temporel. Phardate préfère lui répondre que lui et ses confrères sont les seuls survivants d’un affreux génocide pratiqué par un monstre destructeur. Les villageois en éprouvent un choc sauf qu’il devient inutile d’ajouter ce qui arriva avant la venue de Baa-Bouk. Cela sera un secret bien gardé par les Croucounains. D’ailleurs, à quoi cela leur servirait-il de culpabiliser davantage celles qui étaient déjà fort éprouvées par leur solitude? Évaël explique aux visiteurs qu’ils se trompent en s’imaginant voir devant eux des mâles. Les Croucounains font semblant de s’en étonner et Phardate répond en souriant qu’il aimerait bien y croire sauf qu’il est plutôt rare de voir des femelles avec des barbes! L’aîné du village invite alors les nains à partager leur repas puisqu’il aimerait leur raconter une histoire tellement ahurissante qu’il n’est pas certain de pouvoir les convaincre que les Perlagobuliens sont en réalité des Djinardiennes. Une fois rassemblés autour d’une immense table communautaire placée en face de la rivière, il va sans dire que les Croucounains tiennent à rétablir ce contact avec les seuls Djinardiens qui ont survécu comme eux au génocide. Peu importe ce que le barbu va leur raconter, les petits bonshommes portent déjà dans leurs cœurs les Perlagobuliens.

Évaël débute son histoire en demandant à ses invités s’ils se souviennent des deux roses géantes qui furent vénérées par le peuple depuis des temps immémoriaux? Les Croucounains avouent se souvenir des deux souverains sauf qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de les voir une seule fois dans la grotte royale. Le barbu sourit avant de dire que cette caverne était tellement bien gardée que la majorité des Djinardiens n’y ont jamais pénétré de toute leur existence. Les souverains étaient un couple de géants primordiaux vêtus de jolies roses de la tête aux pieds. Avant qu’un feu planétaire décime leur race, deux nouveaux-nés de sexe différent furent cachés dans cette immense grotte où s’y étaient réfugiés des petits animaux herbivores. On ignore comment ces enfants survécurent sans le lait maternel sauf qu’ils grandirent pour finalement atteindre à leur majorité la modeste taille de vingt-cinq mètres de hauteur. Toutefois, leurs enfants n’ont jamais dépassé plus d’un mètre sans qu’on puisse en connaître la raison. Les parents des premiers Djinardiens mangeaient tellement qu’il fallait des centaines de champs de légumes pour les nourrir. Un jour, un joyeux horticulteur découvrit que l’élixir de roses pouvait non seulement satisfaire la faim des souverains mais surtout les plonger dans un sommeil perpétuel depuis qu’ils étaient devenus trop âgés pour se lever et pour marcher seuls puisque leurs enfants ne pouvaient évidemment les aider dans cette tâche impossible à cause de leur petite taille. Ensuite, après la mort des souverains, le djinardin devint fort précieux pour conserver intact leurs dépouilles contre la décomposition. Ils furent les premiers ancêtres des Djinardiens et par conséquent, extrêmement précieux à leurs yeux. Un jour, on remarqua que les roses qui recouvraient le couple pourrissaient si vite qu’on eut à les remplacer quotidiennement par des fleurs fraîchement cueillies. On craignit alors d’assister à la putréfaction des corps comme si le djinardin ne produisait plus son effet sur les souverains. On découvrit bientôt de la moisissure partout dans la caverne qui s’attaqua également aux célèbres reliques. Certains proposèrent simplement de faire obstruer cette grotte et laisser la nature faire son œuvre alors que la majorité des autres gardiens des dépouilles tentèrent au moins de trouver des herbes et surtout des champignons empoisonnés puisque souvent la nature apporte sa propre solution à un poison par un autre poison provenant de la même nature. C’est alors qu’un groupe de vingt djinardiennes fouillèrent une forêt à la recherche de champignons empoisonnés. Elles se perdirent dans le bois et marchèrent longuement jusqu’au moment où elles se retrouvèrent dans une clairière dans laquelle une perle géante était à demi-enfouie dans le sable.

Évaël avoue que ce c’est à ce moment-là que les pauvres femmes souffrirent durement à cause de leur curiosité. Elles savaient parfaitement qu’elles ne trouveraient pas de champignons dans cette perle si énorme que deux intrépides se risquèrent à se jucher sur elle. Les autres s’amusèrent à retirer leurs sabots dans le but de sonder la coque et ainsi savoir si l’intérieur était vide ou plein. Bientôt, un bruit sec se fit entendre et une large crevasse apparût au sommet de la perle. Les deux femmes debout sur elle sautèrent juste avant son éclatement et de l’eau dorée en jaillit pour alors presque noyer les pauvres curieuses. À leur grand étonnement, un nouveau-né semblait dormir au fond de la coquille brisée et l’une des femmes s’empressa de le serrer dans ses bras en disant à ses consœurs qu’il vaudrait mieux partir à présent. Les Djinardiennes retournèrent dans la forêt qui leur parût bien étrange avec ses arbres majestueux baignés par des puits de lumière. Elles empruntèrent un joli sentier en se demandant si celui-ci allait dans la bonne direction. Puis ce fut le drame lorsqu’elles se virent se transformer progressivement en mâles. Des barbes épaisses leur poussaient sans qu’elles puissent en comprendre la raison. Un peu plus loin, deux inconnues les abordèrent en se présentant comme des fées de la forêt enchantée. Elles expliquèrent sans détour aux pauvres barbues qu’elles venaient de se faire mouiller par l’eau originelle contenue dans la perle qu’il ne fallait surtout pas toucher même si ce joyau est accidentellement sur leur planète. Les intruses ignoraient jusque là qu’elles venaient de s’introduire dans le royaume de Féerie comme par enchantement. Elles pleurèrent en demandant aux fées comment faire pour reprendre leur aspect d’antan? Puisque l’eau de la perle s’est non seulement répandue accidentellement sur elles mais également dans cette clairière, il fallait à présent retrouver toutes les gouttes d’eau dorée à présent enfermées dans autant de petites perles pour faciliter leurs recherches et les remettre dans une perle vide. Ce n’est qu’après cela que les curieuses pourraient enfin retrouver leurs attributs féminins. Une fée précisa qu’un joyau aussi impressionnant aurait sûrement incité tout autre mortel à imiter leur geste en découvrant une perle magique. Malheureusement, l’eau originelle produit l’effet contraire sur ce qu’elle mouille. Ainsi, une femelle devient un mâle, un désert est transformé en champ fertile ou encore, ce qui n’existait pas va exister. Elle ajouta ensuite que l’enfant s’appelait Perlin, héritier du royaume imaginaire qu’un incident fit apparaître sur Djinard plutôt qu’à Féerie. Il était, selon elle, l’enfant de la perle originelle et surtout ce monarque que la Mère Lumière désirait établir dans le monde imaginaire où tout finirait par disparaître avec l’oubli sans les pouvoirs du puissant « Maître de la mémoire » pour le recréer indéfiniment. Une fée prit ensuite l’enfant en disant qu’elle aurait cette lourde responsabilité de veiller sur lui en attendant qu’il puisse savoir se défendre seul contre un terrible magicien du pays qui s’imagine être le Maître de Féerie.

La fin du récit fut encore plus surprenante. Les barbus crurent retourner dans la clairière en revenant sur leurs pas en compagnie des fées mais le décor n’était plus le même pour la simple raison qu’ils ne vivraient plus sur Djinard avant de retrouver toutes les gouttes de l’eau dorée. À l’endroit même où était située l’ancienne clairière, se trouvait à présent un village de pêcheurs. Les maisons étaient déjà là à leur arrivée, de même que les embarcations. L’une des fées dit alors que l’eau originelle contenue dans les perles se trouvait exclusivement dans cette large baie en forme de croissant. Puis, elle regarda autour d’elle et sourit en voyant un ver de terre qu’elle prit soigneusement pour le déposer au creux de sa main en disant que les pêcheurs de perles auraient besoin d’aide. Elle le jeta ensuite dans la mer et les barbus reculèrent en voyant apparaître un gigantesque ver marin nager à la surface de l’eau. La fée les rassura en leur demandant de ne pas se fier aux apparences puisque Gobule allait les aider à récupérer les perles au fond de l’eau. Ainsi les « perles à Gobule » furent à l’origine du nom : Perlagobule. Le monstre a toujours été fidèle et bientôt, il ne restera plus qu’un millier de ces boules précieuses à retrouver.

Phardate et ses compagnons sont émus par la patience et détermination de celles qui ont peiné depuis si longtemps pour redevenir des femmes. C’est alors que la visite inusitée de Manuel ainsi que Marianne surprend autant les Croucounains que les pêcheurs de perles qui reconnaissent la fée de la forêt enchantée à qui ils confièrent Perlin. Phardate s’empresse de les rejoindre avant les autres et leur embrasse respectueusement les mains en disant souhaiter que leur présence à Perlagobule est le signe qu’un grand bonheur vient visiter ce village. Le Maître du destin lui sourit en opinant de la tête. Il est temps de mettre un terme à cette cueillette de perles et surtout réunir ceux et celles qui ont survécu au génocide. Il faut avouer que l’erreur des Djinardiennes a tout de même empêché cette race de disparaître à tout jamais ou de laisser les Croucounains orphelins indéfiniment. Manuel demande aux barbus où se trouvait la perle vide qu’ils devaient remplir avant de retrouver leurs attributs féminins et une fois devant celle-ci, il étend les mains en demandant à toutes les perles manquantes de se trouver une place dans la gueule énorme de Gobule. Aussitôt, le monstre marin ouvre grand sa mâchoire et des milliers de perles s’y introduisent d’elles-mêmes. Puis le ver se rapproche du quai et crache son trésor sur la berge. Les Perlagobuliens excités, s’imaginent qu’ils devront à présent ouvrir toutes ces perles pour récupérer l’eau dorée qu’elles contenaient sous forme d’une minuscule goutte, mais le Maître les fait simplement disparaître avec celles qui se trouvaient déjà dans ce village. Puis, le miracle s’accomplit lorsque les Djinardiennes examinent avec stupéfaction leurs barbes tomber sur le sol. Puis, une rapide métamorphose se produit dans le reste de leurs corps. Les Croucounains pleurent de joie en voyant des petites bonnes femmes les examiner timidement. Ils s’enlacent sans attendre alors que Manuel et Marianne jugent utile de laisser les Djinardiennes faire de plus amples connaissances avec ceux qu’elles considèrent à présent comme leurs enfants. Il va sans dire que nos petits bonshommes demanderont un jour ou l’autre au Maître du destin de vivre dans ce village situé à Féerie et sûrement cette faveur leur sera accordée dès que Phardate et ses compagnons décideront qu’il est temps pour eux de quitter Arkara.

Mercéür est de retour sur son îlot intemporel où il y recrée les beaux souvenirs vivants de ses dernières aventures. Il devra bientôt repartir en mission et se repose un moment dans les décors qu’il a tant aimé sur Terre. Il ne tarde pas à recevoir la visite du Grand-Maître Lemu qui désire s’informer de sa « santé missionnaire » et surtout pour solliciter son aide en donnant un coup de pouce aux ouvriers qui doivent construire la Cité de l’accueil dans le canton de Vaurec. Mais avant toute chose, il tient à l’informer de la naissance de son frère Ba-Fon qui s’est déjà constitué de nombreux fidèles en peu de temps. Mercéür marche en compagnie de son vieil ami lumineux en disant ironiquement que l’Enfant de la lumière est beaucoup plus âgé que lui. Il fut ralenti dans sa croissance à cause de Baa-Bouk qui l’empêcha de naître si longtemps sans plus. Le missionnaire accepte de créer quelques quartiers compliqués dans la Cité et profitera de l’occasion pour rencontrer Ba-Fon. Lemu lui demande bientôt où il a découvert l’humble étable au-dessus de laquelle se trouve une magnifique étoile des bergers et se fait répondre par le collectionneur que sa dernière aventure s’est déroulé en Judée, à l’époque de Jésus de Nazareth qu’il a d’ailleurs rencontré à quelques reprises. Il s’est surtout lié d’amitié avec un pauvre âne que ses anciens maîtres traitaient en esclave avant de le rencontrer. Lemu lui fait remarquer d’un air moqueur que l’ancien fils d’Alba a sans doute eu sa leçon d’humilité en vivant dans la peau d’un animal car « la pauvre âme se trouvait dans l’âne! » afin de lui faire comprendre à quoi rime la servitude comme les anciens bibelots qu’il avait sculpté autrefois. Mercéür rit de bon cœur en réalisant qu’il fut l’ami de Byblos. ( Cette aventure est racontée dans : Paichel et son âne Ti-Nom.) Il trouve que le monde est bien petit après tout! Il a bien raison puisqu’il va rencontrer dans sa prochaine aventure, Adamas et Gracia qui, après leur décès en Atlantide, s’incarnèrent au XXième siècle. Tel que promis par le Maître du destin, ils sont encore ensemble comme de raison! (Cette aventure est racontée dans : Les jumeaux identiques.)

Lemu demande au missionnaire s’il songe à reprendre son ancien corps lorsqu’il retournera sur Arkara mais Mercéür fut tant aimé sur Terre avec son costume de clown, qu’il se trouve drôle en se regardant dans un miroir. Alors, il a donc décidé de conserver le même aspect sur Arkara. De toutes façons, il va trouver cela moins brutal de quitter la Terre ou Arkara s’il se promène toujours dans le même corps. Il ajoute en souriant qu’il ne conseille à aucune Entité d’imiter Anak qui s’amuse à passer du corps d’un vieillard à celui d’un enfant en plus d’accomplir des missions avec un physique de clown! Le Grand-Maître lui demande s’il sait que sa mission à l’époque de l’Atlantide fut partagée avec son jumeau? Mercéür le regarde droit dans les yeux en lui disant que personne ne peut rien lui cacher lorsqu’il retrouve sa mémoire. Son ami lui révèle qu’il vivra bientôt une aventure en compagnie de son jumeau Mêléüs puisque cette fabuleuse mémoire du missionnaire flanchera de nouveau dès qu’il retournera sur Terre.

Le peuple commence à prendre l’habitude aux étrangetés qui se mêlent progressivement à leur quotidien en citant comme exemples : Anak qui vit dans son corps d’enfant, Belle-Chimo qui est ressuscitée, les Croucounains qui parlent constamment de leurs mères, l’Enfant de la lumière qui est sorti de la tête de Baa-Bouk, les Luminatisiens qui se prennent pour des ballons d’enfants et même ce Mercéür qui vit dans le corps d’un genre de clown. Les fautifs ne reconnaîtraient plus l’ouverture d’esprit des Arkariens qui réalisent pleinement, à présent, la valeur de leur paradis. Même Alba serait scandalisé d’apprendre que l’ancien enclos de son Maître destructeur est devenu le lieu favori des amateurs de patins à roulettes! Une fois encore, Primus Tasal y est pour quelque chose. Il n’était pas question de remplir ce site historique où l’eau salée de ce lac se trouve à présent dans l’ancienne carrière de pierres cactus. Donc, le singe apporta toute une cargaison de patins à roulettes et enseigna aux intéressés comment s’en servir prudemment. De leur côté, les Grands-Maîtres du Mont Bellapar participèrent à ce beau projet en réalisant un plancher vraiment lisse comme du miroir pour cette patinoire, longue de soixante kilomètres par trente de large. Les lucioles, ces insectes lumineux, trouvèrent leur vocation en logeant dans les milliers de réverbères empruntés au moyen âge et placés le long de ce canal. Que ce soit pendant le jour et surtout le soir, on prend plaisir à rouler sur cette glace artificielle dont l’effet des réverbères crée une douce ambiance. Il faut savoir que cette patinoire est le seul endroit de la planète où il est possible d’y circuler sans devoir marcher. Les Arkariens ont évidemment songé à construire des téléphériques pour se déplacer dans les airs mais rien ne pourrait les inciter à créer des routes sur lesquelles y rouleraient des véhicules ou même des bicyclettes. La raison est facile à comprendre si l’on tient compte que les insectes et les petits animaux sont intelligents et surtout incapables de se protéger contre des objets qu’ils n’entendraient pas s’approcher comme les pas des marcheurs. Contrairement aux Terriens, il est impossible sur Arkara d’ignorer la présence et surtout le rôle des animaux sur cette planète. Ils enseignent l’écologie aux enfants, travaillent à maintenir l’équilibre dans le plan de la vie et donnent même des conseils judicieux aux agriculteurs et vignerons. Le don de communication entre les humains et la nature est sans doute l’un des plus grand gage d’amour et du respect mutuel qu’a donné le Cœur royal à son peuple. Est-il possible sur Terre de s’aventurer dans une forêt inconnue sans craindre de s’y perdre comme cela est le cas sur Arkara? Il y a toujours un insecte, un oiseau ou un animal qui lui indiquera la route à suivre ou lui apporter de la nourriture s’il a faim. Et que dire de l’insecte qui prévient l’imprudent qui a l’intention de goûter à un fruit sauvage impropre à la consommation! Pour toutes ces raisons, personne ne veut détruire des terriers, des fourmilières, des œufs ou des nids et encore moins écraser un insecte par négligence. Celui-ci entend le marcheur venir et agit en conséquence pour éviter ses pieds. Que ferait-il contre un objet qui roule trop vite pour réagir à temps? Les sentiers sont pour tout le monde et les insectes comme les animaux établissent leurs demeures dans les endroits peu fréquentés par les humains. Ainsi, ils respectent leurs habitudes et cette attitude est réciproque pour l’humain; chacun fait en sorte qu’on ne verra jamais personne se déplacer rapidement sur cette planète.

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